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Les poèmes de Blanche Maynadier

Publié depuis Overblog

22 Janvier 2020 , Rédigé par MARTIAL PIERRE

       L’appartement 

                           34 rue des Marais

 

Ma mère a 14 ans, quand après le décès de ses deux parents, elle arrive avec sa soeur Paulette à Paris chez sa grand mère Augustine.  Voici le début de SOUS LE CIEL DE PARIS, deuxième volet de sa trilogie autobiographique (rééditée Collection le Parc)

 

 

 

Il y a d’abord une minuscule entrée d’un mètre carré à peine  donnant d’un côté sur une petite salle à manger qui  sert de salle d’attente aux clients ; de là, en poussant un simple rideau, on accède à la grande chambre qui fait aussi office de salle de soins, puisqu'en tant que pédicure elle reçoit là ses clients. Nous n’aurons  droit à la salle à manger que le soir. De l’autre côté de l’entrée, une petite pièce sert à la fois de cuisine et de chambre  pour  Paulette : c’est là que je dormirai avec elle.

          Ma grand-mère a longtemps vécu dans deux pièces en location, avant d’y adjoindre cette petite chambre cuisine,  juste en face de son logement en bout de palier. Elle fit des frais pour réunir le tout, à l’aide d’une petite entrée.

 Son  appartement était le résultat de cet aménagement, ce qui lui procurait un  endroit pratique pour se loger et pour exercer sa profession. Cette petite chambre rapportée avait, dans un renfoncement, un coin cuisine : c’est à dire juste la place pour un réchaud et une « paillasse » , sorte d’évier sans eau et sans écoulement.  Ma grand-mère avait  fait poser un lavabo et fait installer l’eau dans l’autre partie de la pièce où étaient disposées une table et des chaises. C’est là qu’elle mangeait  et faisait sa toilette. Pour une personne seule c’était bien. Elle n’avait jamais eu dans l’esprit qu’un jour il lui faudrait accueillir ici les filles de son fils, paysan dans le Jura, après son brutal décès dans sa quarantième année…Nous ne pouvions plus rester dans la ferme acquise par notre belle mère. Elle avait ses trois enfants à charge et j’étais déjà restée six mois de plus que prévu  avec celle que j’appelais « maman » et dont je m’étais séparée avec chagrin.

 

 Paulette et moi devrons dormir là, dans cette pièce de douze mètres carrés.  Ma grand-mère avait acheté pour ma sœur un lit pliant d’occasion de quatre-vingt centimètres de large, que maintenant nous partagerons.

 

Je découvre, avec surprise, cet appartement parisien, chez nous, à Molay,  il y avait de très grandes chambres où trois lits de deux personnes plus une armoire et une commode nous laissaient encore de la place. Mais ici, à Paris, il faut pousser la table pour ouvrir le lit pliant en évitant de faire du bruit, puis le faire rouler  avec précaution, car il grince au moindre mouvement. On me dit qu’il faut éviter les chocs et ne pas marcher lourdement, parce que, en-dessous de nous, il y a un monsieur grincheux.

 Dans un coin de la chambre, ma grand mère a mis un caisse d’oranges vide, elle me dit que ce sera mon armoire... Par manque de place, il y a des cartons partout au-dessus des meubles, sur les  cheminées et même sous son lit.

Je voudrais bien dormir, je suis fatiguée, mais le lit est trop petit, et ma sœur me parle de Molay, elle veut tout savoir sur la famille et les amis. Je finis pourtant par m’endormir, épuisée.

Le lendemain, à peine réveillées, il nous faut refermer le lit, pour pouvoir nous mouvoir et déjeuner.

Cette installation devait être provisoire, ma grand mère pensait bien nous placer toutes les deux dans un emploi où nous serions logées. Et pourtant, de ce premier septembre 1937, jusqu’en février 1944, chaque soir, chaque nuit, et chaque matin se déroulera avec prudence le même cérémonial.

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